Tous veulent vivre heureux, mais tous n'aperçoivent pas ce qui constitue une vie heureuse. Voyons donc d'abord ce que nous devons désirer ; nous examinerons ensuite par où nous pourrons le plus promptement y parvenir. Ce dont nous devons surtout nous garder, c'est de suivre comme de vils troupeaux la foule qui marche devant nous, nous dirigeant, non où il faut aller, mais où l'on va. Malheur à nous si nous vivons, non pas selon la lumière de la raison, mais selon l'exemple des autres ! Louant ce que la multitude loue, blâmant ce qu'elle blâme, regardant comme excellent ce qui attire le plus de vœux et de louanges, nous périssons par cette grossière imitation. La seule voie de salut, c'est de nous séparer de la foule. Vous dites que ce parti est le plus nombreux : donc c'est le pire. Le mieux n'a pas coutume de plaire au plus grand nombre, et là où est la foule, là est le mal. Cherchons ce qu'il y a de meilleur, non ce qui est le plus usité ; non ce qui plaît au vulgaire, le pire juge de la vérité, mais ce qui peut nous mettre en possession d'un éternel bonheur.