François de La Rochefoucauld (5)
Les citations de La Rochefoucauld :
La pitié est souvent un sentiment de nos propres maux dans les maux d'autrui.
La petitesse de l'esprit fait l'opiniâtreté ; nous ne croyons pas aisément ce qui est au-delà de ce que nous voyons.
C'est se tromper que de croire qu'il n'y ait que les violentes passions, comme l'ambition et l'amour, qui puissent triompher des autres. La paresse, toute languissante qu'elle est, ne laisse pas d'en être souvent la maîtresse ; elle usurpe sur tous les desseins et sur toutes les actions de la vie ; elle y détruit et y consume insensiblement les passions et les vertus.
La promptitude à croire le mal sans l'avoir assez examiné est un effet de l'orgueil et de la paresse : On veut trouver des coupables, et on ne veut pas se donner la peine d'examiner les crimes.
Nous récusons des juges pour les plus petits intérêts, et nous voulons bien que notre réputation et notre gloire dépendent du jugement des hommes, qui nous sont tout contraires, ou par leur jalousie, ou par leur préoccupation, ou par leur peu de lumière ; et ce n'est que pour les faire prononcer en notre faveur que nous exposons en tant de manières notre repos et notre vie.
La jeunesse est une ivresse continuelle, c'est la fièvre de la raison.
Rien ne devrait plus humilier les hommes qui ont mérité de grandes louanges, que le soin qu'ils prennent encore de se faire valoir par de petites choses.
Il y a des gens qu'on approuve dans le monde, qui n'ont pour tout mérite que les vices qui servent au commerce de la vie.
La grâce de la nouveauté est à l'amour ce que la fleur est sur les fruits ; elle y donne un lustre qui s'efface aisément, et qui ne revient jamais.
Le bon naturel, qui se vante d'être si sensible, est souvent étouffé par le moindre intérêt.
L'absence diminue les médiocres passions, et augmente les grandes, comme le vent éteint les bougies et allume le feu.
Les femmes croient souvent aimer encore qu'elles n'aiment pas. L'occupation d'une intrigue, l'émotion d'esprit que donne la galanterie, la pente naturelle au plaisir d'être aimées, et la peine de refuser, leur persuadent qu'elles ont de la passion lorsqu'elles n'ont que de la coquetterie.
Ce qui fait que l'on est souvent mécontent de ceux qui négocient, est qu'ils abandonnent presque toujours l'intérêt de leurs amis pour l'intérêt du succès de la négociation, qui devient le leur par l'honneur d'avoir réussi à ce qu'ils avaient entrepris.
Quand nous exagérons la tendresse que nos amis ont pour nous, c'est souvent moins par reconnaissance que par le désir de faire juger de notre mérite.
L'approbation que l'on donne à ceux qui entrent dans le monde vient souvent de l'envie secrète que l'on porte à ceux qui y sont établis.
L'orgueil qui nous inspire tant d'envie nous sert souvent aussi à la modérer.
Il y a des faussetés qui représentent si bien la vérité que ce serait mal juger que de ne s'y pas laisser tromper.
Il n'y a pas quelquefois moins d'habileté à savoir profiter d'un bon conseil qu'à se bien conseiller soi-même.
La magnanimité c'est le bon sens de l'orgueil, et la voie la plus noble pour recevoir des louanges.
Ce n'est pas tant la fertilité de l'esprit qui nous fait trouver plusieurs expédients sur une même affaire, que c'est le défaut de lumière qui nous fait arrêter à tout ce qui se présente à notre imagination, et qui nous empêche de discerner d'abord ce qui est le meilleur.
Il y a des affaires et des maladies que les remèdes aigrissent en certains temps ; et la grande habileté consiste à connaître quand il est dangereux d'en user.
Il y a plus de défauts dans l'humeur que dans l'esprit.
Le mérite des hommes a sa saison aussi bien que les fruits.
On peut dire de l'humeur des hommes, comme de la plupart des bâtiments, qu'elle a diverses faces, les unes agréables, et les autres désagréables.
La modération ne peut avoir le mérite de combattre l'ambition et de la soumettre : elles ne sont jamais ensemble.
Nous aimons toujours ceux qui nous admirent ; et nous n'aimons pas toujours ceux que nous admirons.
Il s'en faut bien que nous ne connaissions toutes nos volontés.
Il est difficile d'aimer ceux que nous n'estimons point ; mais il ne l'est pas moins d'aimer ceux que nous estimons beaucoup plus que nous.
Les humeurs du corps ont un cours ordinaire et réglé, qui meut et qui tourne imperceptiblement notre volonté ; elles roulent ensemble et exercent successivement un empire secret en nous : de sorte qu'elles ont une part considérable à toutes nos actions, sans que nous le puissions connaître.
La reconnaissance de la plupart des hommes n'est qu'une secrète envie de recevoir de plus grands bienfaits.
Presque tout le monde prend plaisir à s'acquitter des petites obligations ; beaucoup de gens ont de la reconnaissance pour les médiocres ; mais il n'y a quasi personne qui n'ait de l'ingratitude pour les grandes.
Il y a des folies qui se prennent comme les maladies contagieuses.
Assez de gens méprisent le bien, mais peu savent le donner.
Ce n'est d'ordinaire que dans de petits intérêts où nous prenons le hasard de ne pas croire aux apparences.
Quelque bien qu'on nous dise de nous, on ne nous apprend rien de nouveau.
On pardonne souvent à ceux qui nous ennuient, mais nous ne pouvons pardonner à ceux que nous ennuyons.
L'intérêt que l'on accuse de tous nos crimes mérite souvent d'être loué de nos bonnes actions.
On ne trouve guère d'ingrats tant qu'on est en état de faire du bien.
On a fait une vertu de la modération pour borner l'ambition des grands hommes, et pour consoler les gens médiocres de leur peu de fortune, et de leur peu de mérite.
Il y a des gens destinés à être sots, qui ne font pas des sottises par choix, mais que la fortune contraint d'en faire.
Il arrive quelquefois des accidents dans la vie, d'où il faut être un peu fou pour se bien tirer.
S'il y a des hommes dont le ridicule n'ait jamais paru, c'est qu'on ne l'a pas bien cherché.
Si les amants et les maîtresses ne s'ennuient point d'être ensemble, c'est qu'ils parlent toujours d'eux-mêmes.
Pourquoi faut-il que nous ayons assez de mémoire pour retenir jusqu'aux moindres particularités de ce qui nous est arrivé, et que nous n'en ayons pas assez pour nous souvenir combien de fois nous les avons contées à une même personne ?
L'extrême plaisir de parler de soi-même nous doit faire craindre de n'en donner guère à ceux qui nous écoutent.
Ce qui nous empêche d'ordinaire de faire voir le fond de notre cœur à nos amis, n'est pas tant la défiance que nous avons d'eux, que celle que nous avons de nous-mêmes.
Les personnes faibles ne peuvent être sincères.
Ce n'est pas un grand malheur d'obliger des ingrats, mais il est insupportable d'être obligé à un malhonnête homme.
On trouve des moyens pour guérir de la folie, mais on n'en trouve point pour redresser un esprit de travers.
On ne saurait conserver longtemps les sentiments qu'on doit avoir pour ses amis et pour ses bienfaiteurs, si on se laisse la liberté de parler souvent de leurs défauts.