Étrange chose que la vie ! Un jour, un enfant vient au monde, ses jeunes parents l'entourent de joie et de soins ; ils l'accueillent comme un bienfait, ils aiment en lui le visible battement de leurs deux cœurs. Ses yeux s'ouvrent à la lumière, son âme à la vie, et la nature tout entière commence pour lui. Un regard maternel suit, étudie l'enfant nouveau-né ; le moindre de ses maux inquiète ; on le protège comme une frêle fleur qui a toujours besoin de la même somme de lumière, d'ombre et d'eau. On l'élève comme s'il devait être éternel ; on emplit son cœur de sentiments, son esprit de sciences ; il grandit ainsi. On fonde des espérances sur cet enfant pour l'époque où il sera un homme. On lui montre toutes les carrières, on scrute ses penchants, ses préférences, ses sympathies. On lui crée des relations, on est fier de ses progrès, on remercie Dieu. Enfin, il atteint vingt ans : il sourit à l'existence, qui lui apparaît pleine d'enchantements ; son intelligence raisonne, son œil sonde tous les horizons, son cœur aime. À son tour, il espère pour lui ; il se sent capable de grandes et bonnes choses, il donne le bonheur à ceux qui l'entourent, et il le donne comme il l'a reçu. Toutes les nobles ambitions s'éveillent dans son esprit, il sourit à l'avenir, il est heureux enfin. Ses parents se complaisent dans leur œuvre achevée à force d'amour et de soins; et, un beau jour, on s'aperçoit que cet enfant a un tubercule au poumon, et qu'il faut irrévocablement qu'il meure, et que, dans un court espace, il faudra enfermer entre quatre planches et jeter à la terre, avec son cadavre, tout son passé, tout son avenir, toutes ses espérances, tout son bonheur; qu'il ne verra plus ceux qu'il aimait, que ceux qui l'aimaient ne le verront plus, et qu'au lieu de serrer dans ses bras une créature jeune, forte, heureuse, aimante, aimée, ses parents n'auront plus qu'une tombe avec un nom dessus pour aller prier.