Le cœur une fois ulcéré de haine s'en guérit mal ; l'amour-propre vient l'aggraver par la justification de ses motifs, et lui commande de s'obstiner jusqu'après le triomphe, quand l'ennemi est par terre, abattu, suppliant ou mort. Mais rarement elle survit à son objet, car c'est le sentiment le plus lâche, la tyrannie la plus odieuse, le fanatisme le plus révoltant qui ne brise pas sa dent au marbre de la tombe, et qui porte un homme, ou une secte, ou un parti à s'acharner sur un ennemi vaincu ou mort.
La haine est un sentiment de répulsion que la vue ou le souvenir d'une personne ou d'une chose soulève en nous, uni parfois à l'intention de lui nuire ou de s'en défaire.
Un des funestes résultats de la guerre, c'est d'endurcir le cœur de l'homme ; si, d'un côté, elle le pousse à faire bon marché de sa vie, elle l'habitue, de l'autre, à faire également bon marché de la vie de ses semblables, et à n'avoir raison d'eux que par l'épée : et qu'arriverait-il, en effet, si, au milieu d'une bataille, le soldat, ému de compassion en face d'une poitrine palpitante, hésitait à frapper ?
Bien que l'héroïsme guerrier s'élève sur des meurtres et des ruines accomplies avec plus ou moins de sang-froid et d'habileté, rien ne fascine comme la vue d'un homme marchant résolument aux plus grands périls, soufflant d'un mot tout son courage à des milliers d'hommes, se multipliant lui-même en eux, puis s'animant à la guerre par les succès mêmes.
Tant qu'on trouve des bras disposés à combattre, des bouches ouvertes pour applaudir, et un pays assez riche pour payer les frais de la guerre, on y retourne comme le joueur au jeu, et l'on colore son ambition du prétexte de salut public ou de l'honneur national à venger.
L'épée ne rentre pas aussi facilement dans le fourreau qu'elle en est sortie ; le sang, loin de la désaltérer, l'excite davantage.
La perte d'une bataille, comme les pertes de jeu, demande une contrepartie : le vaincu ramassera de nouvelles forces, retrempera ses armes et son courage ; de son côté, le vainqueur, confiant en lui-même, ou insatiable de victoires, ne se reposera pas longtemps sur un premier succès, et s'élancera de nouveau sur le champ de bataille, poudreux encore de son dernier combat.
Les fruits de la conquête ne profitent pas mieux que ceux du vol ; les victimes ne tardent pas à prendre leur revanche, et les sujets du conquérant se lassent bientôt de ces guerres interminables, profitables à lui seul, désastreuses pour eux.
On a si peur du néant, que l'espoir d'une autre vie ne rassure pas complétement, et l'on tient à laisser ici-bas même quelque chose d'immortel. Le désir de la gloire n'est autre chose que le sentiment de la vie qui essaye de repousser la mort, l'instinct d'une grande âme qui pressent son immortalité.
Tout homme à l'âme élevée se sent trop à l'étroit dans le court espace de la vie ; il aspire à laisser de lui quelque chose dont s'entretienne le monde, qui le fasse vivre après sa mort, et influer, par l'exemple de ses actions ou par des œuvres toujours vivantes, sur un avenir qu'il ne verra pas.
Le fanatisme, en revêtant la religion d'attributs terribles, en a fait plutôt un objet d'effroi qu'un objet d’amour ; et quoique la véritable foi religieuse soit un élan instinctif vers l'infini, notre imagination, ne pouvant se contenter d'une croyance intime, a voulu la consacrer par des signes extérieurs, proposés à l'adoration des hommes. Bien que la philosophie moderne ait battu en brèche la doctrine qui fait reposer la moralité sur des traditions merveilleuses particulières à chaque peuple, elle est encore soutenue par quelques esprits distingués.
Le bon sens de chacun est capable de peser ensemble, et les motifs de confiance que les paroles d'un homme portent avec elles, et le degré de véracité qui brille autour de l'objet proposé à notre foi.
L'homme est libre dès qu'il résiste, car s'il ne peut jamais atteindre à une liberté absolue, son indépendance consistera, du moins, à pouvoir obéir aux mouvements de sa propre volonté, eût-elle la passion pour mobile, et à exprimer tout haut les vœux de son âme.
La terreur est la première et la plus puissante auxiliaire du despotisme.
La foi est la croyance en la parole d'autrui, c'est l'abandon de notre conscience à sa conscience, marque non équivoque de l'estime et de la considération dont nous le jugeons digne.
L'esclavage est la condition d'un homme dont les membres n'agissent plus par lui-même, dont la volonté est supprimée par une autre volonté, dont toute l'individualité, enfin, est anéantie dans une autre individualité.
La témérité qui se jette au-devant d'un péril inconnu succombe aisément au premier échec.
La pensée humaine roulerait toujours sur elle-même en se creusant un abîme, sans fond de questions insolubles, si elle n'avait un terme où se reposer. Eh bien, la foi en un principe quelconque, est un but auquel on peut rattacher son âme et demander du courage pour l'action, de la persévérance pour le travail, de l'ardeur pour la vertu.
La crainte et les menaces font, comme l'intérêt, céder la conscience. Les esprits faibles, les caractères irrésolus ne tiennent pas longtemps contre l'injustice et la terreur ; celles-ci emportent leurs bonnes résolutions, et font couler peu à peu leur foi comme par un tamis.
La foi est la fidélité à nos propres sentiments et à nos propres paroles ; c'est le respect de nous-mêmes appliqué à nos relations sociales. Il y a la foi spontanée et la foi promise ; la première est l'accomplissement libre et constant des obligations que la probité nous commande, c'est la bonne foi. La deuxième est le serment ou la promesse solennelle qu'on fait de remplir un devoir naturel ou conventionnel ; chaîne sacrée qui lie nos mains libres plus que les fers de l'esclavage, car elle asservit l'homme à l'homme par l'honneur, afin que dans des circonstances prévues ou éventuelles ils puissent compter l'un sur l'autre.
La valeur des œuvres du génie s'augmente beaucoup des difficultés vaincues, et comme rarement il trouve le chemin frayé, dégagé d'obstacles, le mérite de la lutte précède d'ordinaire celui du triomphe.
Le génie, stimulé par l'enthousiasme ou la foi, enfante des actions d'éclat et de dévouement, ou des chefs-d'œuvre d'industrie, de littérature et d'art ; les guerres, les révolutions, tous les grands événements sont les occasions les plus favorables à son libre essor.
Il y a la présence d'esprit, éclair d'intelligence qui fait tout à coup jaillir une vérité que la réflexion la plus lente n'eût point trouvée. Les hommes doués de cet esprit primesautier, comme l'appelle Montaigne, ont toujours tout prêts des arguments pour déconcerter les objections ; c'est le grand ressort de l'éloquence improvisée, par lequel on confond un adversaire sous des arguments inattendus et rapidement jetés, et par lequel aussi on enlace tout un auditoire dans une trame de paroles ingénieusement ourdies.
L'esprit ne vieillit pas ; si les sentiments affectueux se refroidissent avec l'âge, l'esprit au contraire gagne et prend des forces en avançant.
L'esprit est essentiellement variable ; il s'exerce sur les choses les plus frivoles comme sur les choses les plus sérieuses ; il tire parti même d'un langage commun, comme un bon musicien ferait d'un médiocre instrument, mais il est surtout léger, papillonnant et paradoxal.
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