Gustave Flaubert (2)
Les citations et pensées de Gustave Flaubert :
Il est de certaines fonctions où l'on est presque forcé de prendre une femme, comme il y a certaines fortunes où il serait honteux de ne pas avoir d'équipage.
Travaille, travaille, écris, écris tant que tu pourras , tant que la muse t'emportera. C'est là le meilleur coursier, le meilleur carrosse pour se voiturer dans la vie. La lassitude de l'existence ne nous pèse pas aux épaules quand nous composons.
Dans le temps que je n'avais à me plaindre de rien, je me trouvais bien plus à plaindre. Après tout, cela tient peut-être à l'exercice. À force de s'élargir pour la souffrance, l'âme en arrive à des capacités prodigieuses : ce qui la comblait naguère à la faire crever, en couvre à peine le fond maintenant.
Je crois que le dogme d'une vie future a été inventé par la peur de la mort ou l'envie de lui rattraper quelque chose.
As-tu réfléchi combien nous sommes organisés pour le malheur ? On s'évanouit dans la volupté, jamais dans la peine. Les larmes sont pour le cœur ce que l'eau est pour les poissons.
Il faut lire, méditer beaucoup, toujours penser au style et écrire le moins qu'on peut, uniquement pour calmer l'irritation de l'idée qui demande à prendre une forme et qui se retourne en nous jusqu'à ce que nous lui en ayons trouvé une exacte, précise, adéquate à elle-même.
Malgré toute ma peine et le sel que j'y mettrai, j'arrive à faire des vers mi-sel. À force de répéter la même chose je n'ai l'air que d'un vert-vert ; c'est un air de père-roquet, et avec tous ces vers-là, j'ai l'air lune-attique !
La science est encore la moins ennuyeuse des bêtises ; j'aime mieux un livre que le billard, mieux une bibliothèque qu'un café, c'est une gourmandise qui, si elle rend puant, ne fait jamais vomir.
L'Art comme une étoile, voit la terre rouler sans s'en émouvoir, scintillant dans son azur ; le beau ne se détache pas du ciel.
Tout est là : l'amour de l'Art.
Quand on a quelque valeur, chercher le succès c'est se gâter à plaisir, et chercher la gloire c'est peut-être se perdre complètement.
Quand on voyage en Corse, on mange et on couche dans la première maison venue, dont on vous ouvre la porte à toute heure du jour et de la nuit. On ne paye jamais, et la coutume est seulement d'embrasser ses hôtes, qui vous demandent votre nom en partant. C'est un si drôle de pays que le préfet même ne peut s'empêcher d'aimer les bandits, quoiqu'il leur fasse donner la chasse.
J'ai toujours aimé à chier sur l'herbe et à boire du cidre sous la tonnelle.
Quelle plate bêtise de toujours vanter le mensonge et de dire : la poésie vit d'illusions ; comme si la désillusion n'était pas cent fois plus poétique par elle-même. Ce sont du reste deux mots d'une riche ineptie.
Plus je vais, et plus je me sens incapable de vivre de la vie de tous, de participer aux joies de la famille, de m'échauffer pour ce qui enthousiasme, et de me faire rougir à ce qui indigne. Je m'efforce tant que je peux de cacher le sanctuaire de mon âme : peine inule, hélas ! les rayons percent au dehors et décèlent le Dieu intérieur. J'ai bien une sérénité profonde, mais tout me trouble à la surface ; il est plus facile de commander à son cœur qu'à son visage.
Pour qu’on se plaise quelque part il faut qu’on y vive depuis longtemps. Ce n'est pas en un jour qu'on échauffe son nid et qu'on s'y trouve bien. Dans la journée ça va encore ; mais c'est le soir, quand je suis rentré et que je me trouve dans cette chambre vide, que je pense à Rouen.
Je suis trop triste pour rire, trop ennuyé pour bien écrire ; ma douleur est bête, incolore ; c'est un orage sans éclair et avec une pluie sale. Adieu, tout à toi, tu sais comme je t'aime.
La somme de félicité départie à chacun de nous est mince et quand nous en avons dépensé quelque peu, nous sommes tout moroses.
Je suis parvenu à avoir la ferme conviction que la vanité est la base de tout, et enfin que ce qu'on appelle conscience n'est que la vanité intérieure.
Les journées heureuses m'en font mille mauvaises, la joie m'attriste quand elle est passée, les jours de fête ont toujours pour moi de tristes lendemains.
Ô l'avenir, horizon rose aux formes superbes, aux nuages d'or, où votre pensée vous caresse, où le cœur part en extase et qui, à mesure qu'on s'avance, recule, recule et s'en va !
Tout beau se compose du tragique et du bouffon.
L'existence, après tout, n'est-elle pas comme le lièvre quelque chose de cursif qui fait un bond dans la plaine, qui sort d'un bois plein de ténèbres pour se jeter dans une marnière, dans un grand trou creux ?