Félicité de Genlis (2)

Le raisonnement n'est efficace que sur les esprits cultivés ; pour les autres, il n'existe que deux pouvoirs véritables : l'habitude qui les domine, et l'exemple qui finit par les entraîner.

Toutes les bigotes sont des imbéciles.

J'aime mieux une fille qui a un bon cœur et qui donne au malheureux qu'une dévote qui est avare et méchante. Une dévote qui n'est pas charitable est une hypocrite. Les vraies dévotes sont les mères des pauvres.

La bienfaisance la plus touchante est de donner tous ses biens aux pauvres, et de dévouer sa vie entière aux infortunés.

Il n'y a pas de plus grande générosité que de rendre le bien pour le mal.

L'être qui n'a jamais fait de mal à personne est exempt de fautes au tribunal de sa conscience.

Il y a des gens qui n'ont de succès dans le monde que par leurs défauts ; s'ils se corrigeaient de l'humeur, du caprice, de la brusquerie, ils deviendraient si communs, si médiocres, qu'on ne les remarquerait plus. Il faut pourtant qu'ils aient une sorte d'esprit, et que quelque circonstance particulière les ait mis à la mode.

Une louange donnée aux dépens d'un ami, quelque flatteuse qu'elle puisse paraître, ne saurait plaire qu'à la personne dont l'amour-propre a gâté le cœur.

Le naturel n'est autre chose que la sincérité ; il est moins estimable, mais il a plus de grâce, et précisément parce qu'il n'est pas fondé sur des principes, et qu'il n'est point raisonné ; il n'est pas une vertu, mais il ne saurait exister sans plusieurs qualités aimables. Pour être bien naturel, il faut n'avoir à cacher ni desseins profonds, ni vices honteux : les coquettes, les fourbes, les ambitieux et les orgueilleux ne sont jamais parfaitement naturels.

Ce qu'il y a de plus difficile dans le grand monde, c'est de suivre une ligne droite ; tout s'y oppose. On a beau le vouloir avec fermeté, il faut bien s'arrêter quand on vous barre le chemin. Les routes tortueuses sont pleines de boue, mais elles n'ont point d'épines.

Tous les gens distraits réussissent dans le monde : chacun les aime, non seulement parce qu'ils amusent, et fournissent sans cesse de nouveaux sujets de conversation, mais aussi parce qu'ils sont hors d'état de feindre et de dissimuler.

Il y a un grand éloge à faire du bon goût, c’est qu'il réprouve toujours tout ce qui est contre la raison.

Il n'y a rien de si ennuyeux qu'un philosophe vieux et triste qui n'a pas infiniment d'esprit.

Il y a de certaines gens dont la première entrevue est insupportable. Ces gens-là veulent, à toute force, non vous connaître, mais vous montrer, en vous abordant, tout ce qu'ils savent et tout ce qu'ils ont d'esprit.

Si jamais je deviens auteur j'attaquerai, sinon avec talent, du moins avec courage et persévérance, deux choses que je hais : l'impiété intolérante, et la fausse sensibilité. Je me ferai beaucoup d'ennemis, mais quand on ne s'attire que des gens qu'on n'estime pas, c'est un bien petit mal.

Avec un bon cœur on peut s'attendrir sur les malheurs de ses ennemis, mais il faudrait une grande perfection de caractère pour ne pas se divertir de leurs ridicules et de leurs sottises.

Certains aveux ne sont jamais bons à faire, car le malin public a toujours le mauvais esprit de prendre les choses à rebours.

Un homme qui a du génie, du courage, une volonté ferme et de la persévérance, doit toujours réussir ; il est dans sa destinée de triompher de tout.